Histoire de la Société d’Imagerie Thoracique

La Société d’Imagerie Thoracique

 

Pendant de très nombreuses années, les leaders de l’imagerie thoracique française se sont réunis à intervalles réguliers afin d’échanger des idées, partager des expériences et surtout se montrer les cas les plus étonnants ou les plus didactiques. Ils formaient un groupe tout à fait informel qu’ils avaient baptisé « le Club Thorax ». Vers la fin des années quatre-vingt ce même groupe de radiologues thoraciques dont j’avais la chance et l’honneur de faire partie ont compris la nécessité de construire une structure plus officielle dont l’objectif serait de partager l’expérience et les connaissances acquises dans le domaine de l’imagerie thoracique avec l’ensemble de la communauté radiologique et plus particulièrement avec les plus jeunes. C’est dans cet esprit que les statuts de la société d’imagerie thoracique furent déposés le 29 septembre 1988. J’en fus le premier secrétaire général jusqu’en 1994. Appuyée par l’expérience des plus anciens (Jacques Rémy, Denis Lallemand, Pierre Bernadac, Max Coulomb, José Rémy, Jean Pierre Mabille et Jean Paul Senac), la jeune génération de l’époque (Jacques Frija, Pascal Lacombe, Marie France Carette, Jacque Giron et moi-même, très vite suivis par Martine Rémy, Michel Brauner, François Laurent, Gilbert Ferretti et bien d’autres) s’est mobilisée pour s’investir dans cette nouvelle aventure. Le but premier fut d’organiser des journées scientifiques et de formation continue une fois par an, au printemps, dans une ville de province sachant que les journées de Radiologie organisées par la société française de radiologie en octobre à Paris offrait une autre occasion de se réunir pour d’autres séances scientifiques et didactiques. 


Dans la suite de cette initiative, et du fait de la notoriété internationale de certains de ses membres, la Société d’Imagerie Thoracque (SIT) invite, en 1992, les leaders européens de l’Imagerie Thoracique à participer à une réunion à Grenoble afin de définir les objectifs d’une société européenne dédiée à l’imagerie thoracique. A la suite de cette réunion l’European Society of Thoracic Imaging (ESTI) sera officiellement crée en 1993 au Luxembourg à l’occasion de son premier congrès fondateur. 


En 2014, la SIT perd son indépendance et devient une société d’organe affiliée à la Société Française de Radiologie (SFR). Le 8 Février 2014 son siège social est transféré au 20 avenue Rapp à Paris 75007. Son objet officiel devient le suivant : promouvoir l’imagerie thoracique diagnostique et thérapeutique, en organisant des réunions scientifiques, d’enseignement et des stages de formation, en aidant à la formation des jeunes médecins spécialistes, en aidant les travaux de recherche et en favorisant les échanges interdisciplinaires. 


Au moment de la création de la SIT l’échographie, le scanner et l’IRM ont déjà vu le jour depuis plusieurs années. Mais c’est au scanner que l’histoire de l’imagerie thoracique doit son succès et son développement. L’utilisation des coupes fines reconstruites en haute résolution apparaissent dès le milieu des années quatre-vingt permettant l’approche diagnostique des maladies diffuses des poumons et plus particulièrement des pneumonies interstitielles, le diagnostic et le bilan d’extension des dilatations des bronches assurant ainsi   la disparition définitive des bronchographies. Les acquisitions en expiration profonde vont très vite permettre l’objectivation du piégeage aérique lié à une obstruction sur les voies aériennes. Le développement du scanner hélicoïdal lors de la deuxième moitié des années quatre-vingt-dix combiné à l’extraordinaire explosion des capacités de calcul des ordinateurs embarqués a permis de passer des acquisitions monophasiques courtes aux acquisitions multiphasiques sur de grands volumes ouvrant le champ des explorations vasculaires (angioscanner) et des parenchymes. Ainsi, Martine et Jacques Rémy purent optimiser l’angioscannographie des artères pulmonaire jusqu‘à en faire l’examen radiologique essentiel de l’embolie pulmonaire aigue et chronique, reconnu comme tel par l’ensemble de la communauté médicale internationale. Ce sont les acquisitions multiphasiques en coupes submillimétriques avec ou sans injection de produit de contraste et les post traitements permis par les voxels isotropiques qui garantissent au scanner de conserver une place hégémonique dans l’exploration des maladies thoraciques. Des applications multiples en imagerie 2D puis 3D haute résolution telles que les projections multiplanaires d’intensité maximale et minimale, et l’endoscopie virtuelle viennent compléter la panoplie des outils nécessaires au radiologue pour son interprétation des examens thoraciques.


La place de l’IRM malgré les remarquables développements technologiques est restée une modalité peu utilisée en pathologie thoracique. Son apport restera longtemps limité à l’exploration complémentaire des masses médiastinales et pariétales. Depuis de nombreuses années l’IRM fonctionnelle, permettant l’étude régionale de la ventilation et de la perfusion pulmonaires, a fait l’objet de nombreux développements. Toutefois ceux-ci n’ont jamais pu quitter le monde de la recherche pour une quelconque activité clinique reconnue.


Aujourd’hui, la SIT se renouvelle sous l’impulsion d’un bureau élargi et rajeuni. Le virage numérique de l’enseignement a été pris notamment avec la mise en place d’un e-learning national dans le cadre de la réforme du 3ème cycle. Le bureau de la SIT s’est ainsi largement impliqué pour pouvoir offrir à tous les internes de radiologie des dizaines d’heures de cours en ligne accessibles sur la plateforme CERF-SFR. La formation médicale continue est quant à elle toujours assurée annuellement lors des JFR et de la Journée de Printemps, mais d’autres formats – en présentiel ou en ligne – permettent d’élargir l’offre de formation, notamment via le C-FIM.


La SIT a été fortement sollicitée pendant la pandémie de COVID-19, particulièrement au début de l’épidémie lorsque la demande d’informations radiologiques, pressante et massive, concernait tout autant les aspects radiologiques de la pneumonie que les indications d’imagerie en fonction des situations cliniques. Le bureau de la SIT s’est rapidement mobilisé pour fournir à la communauté radiologique française des recommandations promouvant l’usage premier du scanner, permettant de fluidifier les parcours de soins des patients arrivant aux urgences. Ces recommandations ont été largement adoptées et reprises par la HAS. En parallèle la SIT en coordination avec la SFR a mis à la disposition des radiologues français une série de documents pédagogiques pour aider à la prise en charge des patients COVID : compte-rendu structurés, revues de la littérature, cas cliniques illustrant les présentations TDM classiques et diagnostics différentiels, e-learning, foire aux questions… ainsi qu’une journée de Printemps 2020 dont le programme et le format ont été bouleversés pour proposer une synthèse des connaissances sous forme de webséminaire. La SIT s’est également impliquée dans la recherche notamment autour du projet STOIC visant à créer une base de données annotée de 10000 scanners COVID, utilisables pour des projets d’intelligence artificielle.


Au-delà de la pandémie actuelle, l’avenir de l’imagerie thoracique se dessine au travers des innovations techniques comme le scanner à comptage photonique, et d’une médecine de plus en plus prédictive et personnalisée permise par les algorithmes d’IA et le big data. La SIT ambitionne d’intensifier son activité d’enseignement et de recherche dans plusieurs domaines, notamment celui – capital – du dépistage du cancer broncho-pulmonaire. Le dépistage par scanner faible dose a le potentiel de sauver plus de 7000 vies par an en France. Cet objectif est pleinement entre les mains des radiologues français qui doivent via la SIT se former en nombre au dépistage afin d’être prêts lorsque sauteront les verrous politiques, réglementaires et financiers empêchant pour l’instant son organisation à grande échelle. La SIT devra ainsi être présente sur de nombreux fronts : enseignement, recherche, information du grand public, coordination avec les autres spécialités, discussion avec les tutelles. Ce projet fédérateur ne pourra être mené qu’avec les efforts de tous, jeunes radiologues investis dans la société, et membres historiques, pionniers de l’histoire de la SIT.
 

Philippe Grenier, Mathieu Lederlin et Pierre-Yves Brillet